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EÌ dito

À coeur ouvert.
BarbeleÌ s. Murs infranchissables. FrontieÌ€res fermeÌ es. Accueil minimal et traitements deÌ gradants... Bienvenue en Europe ! Une Europe incapable de se mettre d’accord sur la manieÌ€re d’accueillir les dizaines de milliers de personnes qui ont toutes deÌ cideÌ au meÌ‚me moment de fuir la deÌ solation de leur pays en guerre.
Bienvenue en Europe, ouÌ€ bon nombre d’EÌ tats preÌ feÌ€rent le « chacun pour soi », confondant alleÌ€grement « reÌ fugieÌ », « immigreÌ » et « clandestin », autant de cateÌ gories d’eÌ‚tres que les classes dirigeantes affirment ne pas vouloir chez eux.
Au discours populiste sur la peur qu’inspire si facilement l’immigreÌ classique, la crise des migrants est venue superposer celui du rejet du reÌ fugieÌ , qui ne peut eÌ‚tre que profiteur, et du clandestin dont il y a lieu de tout redouter.
« Pas de ça chez nous ! », disent en choeur certains politiciens et propagateurs d’ideÌ es nationalistes. « Ou alors un tout petit peu, s’il le faut bien, parce qu’on n’est quand meÌ‚me pas des monstres. Mais juste assez pour qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas les bienvenus, qu’on le fait par obligation, et en espeÌ rant qu’ils partent bien vite. »
Et pourtant... Il y a un mois, on ne parlait que de ce petit garçon de trois ans, au joli visage rond, veÌ‚tu d’un bermuda bleu et d’un t-shirt rouge, avec aux pieds des sandales velcro. Un enfant comme les autres, universel, qui pourrait eÌ‚tre le voÌ‚tre, le mien... Une photo nous le montrait au bord d’une plage, face contre le sable, son corps sans vie rameneÌ par la mareÌ e. Tout aÌ€ coup, la crise des migrants avait alors un nom, un visage, une histoire, et suscitait le deÌ gouÌ‚t du trop-plein d’indiffeÌ rence.
Des petits Aylan, il y en avait eu des milliers, et des migrants bien plus encore. Mais peut-eÌ‚tre eÌ taient-ils trop nombreux, trop basaneÌ s, trop mal habilleÌ s, ou trop tout ce que l’on veut pour davantage susciter le rejet que l’empathie et la compassion. Le 2 septembre, la photo du cadavre d’Aylan faisait le tour du monde. Et n’eÌ tait pas eÌ trangeÌ€re aÌ€ l’appel lanceÌ par François : « Face aÌ€ la trageÌ die des dizaines de milliers de demandeurs d’asile qui fuient la mort, victimes de la guerre et de la faim et qui sont en chemin vers une espeÌ rance de vie, l’EÌ vangile nous appelle et nous demande d’eÌ‚tre les prochains des plus petits et des plus abandonneÌ s, aÌ€ leur donner une espeÌ rance concreÌ€te. » MeÌ‚me si, aÌ€ peine prononceÌ , ce discours eÌ tait recadreÌ par certains responsables religieux disant que, « chez eux », l’EÌ glise faisait deÌ jaÌ€ beaucoup, et que, « dans leur cas », on ne pouvait leur en demander plus...
Mais la photo d’Aylan a aussi contribueÌ aÌ€ ouvrir les coeurs de milliers d’hommes et de femmes. EngageÌ s comme beÌ neÌ voles, depuis lors, ils se sont deÌ cideÌ s aÌ€ aider les reÌ fugieÌ s, allant jusqu’aÌ€ applaudir ceux qui deÌ barquaient chez eux. Des initiatives touchantes alors que les EÌ tats, de leur coÌ‚teÌ , eÌ taient loin de manifester le meÌ‚me enthousiasme...
Voici venu le temps de l’accueil et de l’ouverture. Pour ces reÌ fugieÌ s qui, finalement, nous ressemblent tant. Mais aussi pour tous ceux dont nous nous sentons moins proches et qui meÌ ritent tout autant qu’on partage leur humaniteÌ . En abandonnant l’ideÌ e que ces migrants vont mettre aÌ€ mal notre continent assieÌ geÌ .
Oui, il y a pour l’instant afflux de reÌ fugieÌ s aux portes de l’Europe et la focalisation opeÌ reÌ e par les meÌ dias a renforceÌ cet « effet de loupe ». Mais, comme le rappelait Amnesty International, il ne faut pas perdre de vue que le Liban, la Turquie, la Jordanie, l’EÌ gypte et l’Irak accueillent aÌ€ eux seuls 3,8 millions de reÌ fugieÌ s de Syrie.
Est-ce trop loin de nous pour que l’on en parle ?
FreÌ deÌ ric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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